Euthanatos
La maison de thé se manifesta autour d'eux. En dehors de ses murs, la journée de Vajra se finissait et le ciel rayonnait d'un bleu sombre. Takstang approcha une alumette à une lampe à huile tenue par une chaine depuis le plafond.
"Les Euthanatos élirent Cygnus Moro pour la Première Cabale à l'unanimité, et il remplit nos espérances. Des nécromants et des guérisseurs se rassemblèrent sous notre bannière, pas en grand nombre car nous avons peu de semblables, mais bien assez. Avec les Ahl-i-Batin et autres toujours à travailler activement contre nous, chaque mage était un gain. C'était très excitant. Les consorts et apprentis suivaient les rapports des Neufs comme les fils de l'Amérique suivent les Championnats du Monde. Et ainsi, lorsque les hérauts apportèrent les nouvelles de la Traitrîse à Horizon, une armée virtuelle se porta volontaire pour la mission de sauvetage. Derrière Akrites Salonikas et les autres, nous envahîmes la forteresse de l'Ordre de la Raison, mais il était déjà trop tard. Akrites, Chalech et Metiadusa tirèrent le corps de Celui-Qui-Apporte-La-Stabilité (NDT : Balance Bringer) hors de l'épave, froid et raide, parti pour longtemps pour sa prochaine vie."
"A notre étonnement, il fut un héros. Torturé, Haroun ne s'était pas dévoilé. Même mourant, il avait gardé les secrets du Conseil. Par association, l'entière Tradition en fut justifiée. Non sens, bien sûr, mais nous n'étions pas du genre à nous plaindre ! Les mages Hermétiques et les Ahl-i-Batin, qui ne parlaient jamais aux 'meurtriers' autrefois, assistèrent aux funérailles dans les larmes. Cygnus Moro avait gagné une dernière bataille pour Chalech."
"Le troisième Coumatha, commençé au Samashti de Isfahan, était finalement fini".
Takstang fit craquer ses poignets de colère. Soudainement, les deux furent assis sur haut du rebord vertigineux d'une grande plateforme de pierre, regardant une pyramide peinte en rouge. Julia chercha une poignée ou s'aggriper et regarda. La jungle étranglait la cité du dessous, de la mousse poussait sous ses doigts.
"Ceci est une cité Maya. Elle n'a pas de nom aujourd'hui. Nous sommes en 1680 et les Mayas ont quasiment été exterminés. Juste lorsque les Euthanatos ont commencé à gagner du terrain contre les massacres, juste comme ils propageaient les leçons apprises au Conseil au nord des Aztecs et au Sud des Incas, les Européens arrivèrent. Désormais trahis par les conquistadors, dévastés par les maladies, le peuple travailla pour les maîtres Espagnols. Ils oublièrent leur culture dans le travail et la peine. Les prêtres Catholiques brulèrent les parchemins natifs, détruisirent les espoirs que les restes de cette société pourraient rappeler et comment lire la langue ancienne. Les chrétiens menèrent le peuple aux églises, et les vieux dieux s'enfouirent. Même leur Outremonde s'évanouit et mourra, et les mages ne purent rien faire pour sauver leur mort."
Un personnage solitaire sortait de la jungle épaisse derrière la pyramide. Il tenait une gourde dans une main et un collier en os dans l'autre. Il marchait en cercle au milieu de la place. L'herbe dans le cercle disparut, et il cria à haute voix des mots dans un Espagnol incertain.
"Dans l'Afrique de l'Ouest, les Euthanatos Ibo et Akan luttaient contre l'esclavage. Des milliers mourraient sur le chemin du marché. Les mages ne pouvaient être détenus bien longtemps, pas tant que l'Entropie et la rouille existe, ni tant que les fantômes de leurs ancêtres les protégeaient. Au début, ils se concentrèrent à combattre les abducteurs de leur peuple."
Doucement, d'autres personnes sortirent de l'ombre de la forêt. Ils étaient noirs, amérindiens et quelques blancs. Les hommes portaient de lâches poignées de bâtons, de petits sacs et des bouteilles sombres. Les femmes portaient de petits enfants sur leur dos et aux hanches, menant les anciens par la main.
"Alors, un par un, les plus braves parmi eux firent le plus grand sacrifice de leur vie. Ils se laissèrent prendre, faisant de la contrebande de Talisman et apportant des secours sur les navires, administrant les morts. Certains mourrurent des mêmes causes qui tuèrent leurs patients. Certains trouvèrent des alliés comme certains Dormeurs s'Eveillaient dans des rêves fièvreux."
Les hommes déposèrent leurs bâtons au centre de l'espace dégagé et firent un pas en arrière. Les femmes lachèrent les enfants et firent à manger sur la maçonnerie tombée.
"Les Ibo et les Akan gardèrent leur foi vivante et se cachèrent dans le Nouveau Monde. Dans les plantations au-dessus et en dessous de l'équateur, les esclaves Africains de l'Ouest se rencontraient secrètement afin de pratiquer leur culte sans la connaissance de leurs maîtres. Ensuite, la religion fut oubliée dans le Nord, mais dans les rivages du Golf du Mexique elle changea et prospéra. Ibo, Akan, Maya et Aztec travaillaient ensemble. Avec le temps, ils se mélangeront. Une centaine de cultes locaux se créeront, ne négligeant jamais un dieu bon qu'il puisse trouver et toutefois créant les leur, et les Euthanatos les surveillèrent avec attention. Vous avez entendu parlé de ceux-là, shravaka, en tant que Santeria et Voodoo. Une nouvelle lignée, les Bata'a, s'éleva de ces cendres, mais notre peuple est pami eux, aussi. Partout où la mort maintient un balancement, nous résistons."
"L'Inde, également, fut dirigée depuis Constantinople. Pour nous, ce fut une bénédiction : les Turcs y pratiquaient plus de tolérance où de nombreux fervents y vivaient déjà. Mais d'abord les Portugais, puis les Anglais achetèrent, volèrent et conquirent la Mère Indienne et nous souffrîmes."
"Peut-être connaissez-vous les mythes des Thuggee ? Les suivants des démons étranglant pour le plaisir ou le sacrifice ? Les adorateurs fous de Kali membres de la résistance Indienne ? Des mercenaires voleurs et meurtriers, tuant au plus haut prix et pour les motivations les plus basses ? Nous tombions parmi la seconde catégorie. Je ne peux vous dire avec certitude qui étaient les autres. Les rebelles ordinaires ont du composé la plupart d'entre eux, mais les Dormeurs ont d'autres alliés et...bergers...en Inde. Les changeurs de forme, vampires, démons et fantômes avaient leur part dans ces sombres échanges, ils l'ont toujours et l'ont toujours eu. La Consanguinité se détacha de notre commandement et prit les armes. Bien que certains d'entre nous se sentirent concernés, nous avions d'autres préocupations."
"A notre honte, de nombreux Chakravanti cessèrent de tester le coeur de leurs victimes. Ils assassinaient pour la revanche, tuaient pour le contrôle, et commettaient des meutres en grande quantité. Lorsqu'ils étaient défiés, ils commençaient à partir, silencieusement, en minuscules groupes. A un secret samashti, ils formèrent une nouvelle société, l'Apad-Dharma de Bombay, qui signifie 'le laxisme nécessaire de la Loi lorsque la survie est en jeu.' Fondée avec les meilleures intentions, le nouveau groupe abandonna le Chodona sans créer une nouvelle éthique afin de limiter leurs actions. Ils tombèrent très lentement dans la corruption, mais à la fin, seules cinq bonnes âmes échappèrent à la Chute. L'Apad-Dharma est notre plus personnel ennemi parmi les Néphandi. Tuez-les si vous les trouvez, ou ils vous détruirons certainement."
"La science en elle-même, Julia, n'est pas mauvaise. Souvenez-vous de cela. La Technomancie est seulement une autre magie, utilisée sans sagesse. La technologie est une autre voie de sorcellerie commune aux gens."
"Les buts pour lesquels les avancées de l'Ordre de la Raison furent réalisés étaient mauvais. La foi fut la seule défense que possèdaient les Dormeurs contre les taudis, la pollution, les usines, le travail infantile, les plaies, la pauvreté et l'ignorance. La Grande Famine de la pomme de terre nous submergea en Irlande, et lors de la seconde vague d'Euthanatos sur les Iles de St Brendan."
"L'horloge mondiale toucha durement tous les Euthanatos. Le Paradoxe crût. Nos soins se retournaient contre nous. La médecine technologique était plus chère que la sorcellerie, et nos patients pauvres mourraient. Comme les meneurs devenaient comités, il devint plus dur pour nous de trouver les hommes qui donnaient les ordres de nous tuer. Avec l'Ordre de la Raison indélogeable dans les écoles de l'Europe, de plus en plus de nos ennemis devinrent de simples Dormeurs qui n'en savaient pas plus, des gens que nous ne voulons pas tuer."
"Alors un rayon d'espoir apparut. Ecoutez : "
"L'Ordre de la Raison tient le monde comme une poignée de sable, il s'écoule entre ses doigts et bouge plus rapidement que la poigne qui le tient. L'Age de l'Illumination dépouilla la superstition et les contes de grand-mère des civilisés. Toutefois dans leurs coeurs, de nombreux Dormeurs savent qu'il y a des choses dans les Ténèbres, et leur nature de singe à la fois les craints et cherche à apprendre afin de se défendre elle-même. Peut-être pouvons-nous voler du sable sans ouvrir la main."
"Ce sont les mots de Senex lors du Samashti de 1832. Il fut inspiré par les jeunes hommes, et femmes, qui refusaient de se courber face aus dieux du progrès, qui brandissaient les os, la coupe et le coeur du poète comme des abris contre le fer froid de l'industrialisation. Avec leurs histoires de passion, mort et d'impatience, ces écrivains apportèrent des ombres sur le papier et les passèrent aux Dormeurs."
"Et les Dormeurs répondirent. Ils s'émeutèrent. Ils pleurèrent. Ils se noyèrent dans l'absinthe et dépoussiérèrent les sombres secrets. Ils se rebellèrent. Les Romantiques, comme ces écrivains et artistes allaient être appelées, inspirèrent Senex avec un plan pour affaiblir la main-mise de l'Ordre. Peu de choses survivent correctement au temps. La pierre, oui. l'Art, parfois. La Litterature, toujours, même si elle est cassée et réutilisée par d'autres nations. Nous trouvâmes des peintres, des poètes, des dramaturges et des écrivains avec de 'vieilles âmes' et les aidâmes de petites manières, chance, patronage, une oreille sympathique, encouragement sans interférence. A ce jour, la rebellion continue. S'il est vrai que les Excavés sont les décendants spirituels de T.S. Eliot, nous pourrons un jour trouver que nous avons donné naissance à une seconde Tradition."
"Priez qu'elle soit meilleure que la première," finit sombrement le Primus.
"Les suivants de Kali parlaient de l'Age de Fer, l'ère finale quand marchera la Sombre Mère, détruisant ce qui est et préparant le chemin pour ce qui viendra. Certains disent que cet Age est sur nous désormais, et je ne dirai pas qu'il ne l'est pas. Le fer, les sutras l'avaient prévu, est partout aujourd'hui, et il broit les corps comme il réduit en pulpe les âmes laissées dérrière. Il y a ceux qui clament que le monde est dominé par la Technocratie. Je crois qu'ils ont tord. Derrière le nuage de poussière et de fumée, j'entends le rire des Naraki."
"La première Guerre Mondiale mit les mitraillettes, le gaz moutarde et les grenades dans les mains des hommes. Ces soldats et leurs leaders refusèrent de comprendre que leurs nouveaux jouets signifiaient la mort en d'incroyables proportions. En un jour, UN JOUR !, 10.000 hommes furent tués. La Roue tressauta sur son axe, et nous glissa des mains. Les mains des Euthanatos et les mains de l'humanité."
"Une tempête d'une taille inimaginable débuta dans l'Outremonde, et elle crût vers une puissance qu'aucun autre Maëlstrom n'avait jamais atteint. Les Chakravanti connaissaient les petites tempêtes, les typhons noirs qui faisaient rage dans les royaumes des fantômes. Les Mayas survivants rappelèrent d'étranges agitations après l'arrivée des blancs et de la variole. Les Celtes et Grecs se rappellèrent de plus grandes tempêtes, mais rien de comparable aux vents fantomatiques qui hurlaient dans l'éveil de la première Guerre Mondiale." Le temps se rida et changea encore sous les pieds de Julia. "Comme des âmes sans repos trouvaient un abri dans nos Marabouts, nous apprîmes d'eux ce que nous pouvions."
"En 1942, l'un des notres, Michael 'Firecracker' McPherson, donna refuge à un étrange fantôme, un wraith Autrichien parcourant les Terres des Ombres du continent. Des mots étaient tatoués sur le corps du wraith en Français , Anglais, Italien et Grec archaïques, mais avec des nouveau noms et des choses modernes dans le texte."
"Les enfants d'Abraham et de Daenna," disaient les tatouages, "meurrent avant leur temps. Ils sont tondus, mis à nu, fouettés, affamés, glacés et cassés. Leurs corps brulant même au-delà de la tombe. Les Allemands les ont exterminé par le gaz et l'esclavage. Ces deux peuples seront détruits. J'ai écrit ceci sur le corps de Fritz Auchmann dans l'espoir que quelqu'un qui peut Voir saura."
"McPherson vint au Conseil avec les nouvelles. Ils le renvoyèrent, préoccupés par la scission des Traditions..."
"Le Conseil divisé ?" lança Julia.
"Pendant presque cinq ans, nous jetions la chance à nos cousins," dit Takstang, hochant la tête. L'air avait prit une mauvaise odeur noire sur la peau brulée. "En tant que Tradition, nous ne pouvions attendre que les autres se rallient. Ce que les Traditions ne feraient pas unies, nous le ferions en tant qu'individus. Les Euthanatos se dispersèrent en groupes de chasse et commencèrent à tailler les arbres de tous cotés. Nous avions beaucoup de travail à faire, et beaucoup d'entre nous moururent."
"Comme médecins, espions et soldats, les Euthanatos entrèrent sur le terrain. Nous oubliâmes nos inimitiés avec les Akashites et l'Ordre d'Hermès. Nous combatîmes cote à cote avec les Ahl-i-Batin. Puis, nous découvrîmes les Naraki dansant dans le sang, tirant sur les robes des deux cotés de la guerre et menant les hommes haineux à des horreurs de plus en plus grandes. Encore plus tard, nous amorçâmes un grand rituel dans un château Allemand, un rituel qui achemina les énergies d'un millier d'âmes fâchées dans un feu spirituel qui renvoya les maîtres Nephandi. J'étais là-bas pour cette grande bataille, et était le plus vieux des notres à survivre."
Takstang morda ses lèvres, fronçant les sourcils pensivement. "Demain, Julia, il est possible que vous entendiez des choses horribles à notre propos, et la plupart seront vraies. Lorsque vous ne pouvez penser à une raison d'être fier de nous, ou de ce qui se cache entre notre Tradition et les Abysses, souvenez-vous que notre nécromancie découvra les pêchés du Troisième Reich. Souvenez-vous que chacun de nous vint consciemment donner sa vie pour y mettre un terme."
"A l'exception de la Maison de Helekar," finit amèrement le Primus.
"La bienfaisance de la Technocratie donna le génocide en Bosnie, au Rwanda, en Irak, en Chine, tant de vies rapides dans le monde, luttant pour se débarrasser elle-même des excès. Les miracles de la science laissaient les âmes passer leur temps à construire et à dessiner de nouvelles armes afin de les détruire dans leur prochaine vie. Des drogues que les Tantriques fous n'oseraient pas consommer sont vendus à des enfants chaque jour. Les pauvres souffrent, la technologie est la magie des riches. Les gens en bonne santé prospèrent et deviennent sèchement vieux, égoïstes, incapable de comprendre pourquoi leurs enfants ne désirent pas vivre."
"Pire que tout, d'étranges chasseurs arpentent les rues. Les vampires sans âme, je peux comprendre, mais les coeur vides de cette nouvelle engeance, les tueurs en séries, me mystifient. Sont-ils notres, des descendants de l'Apad-Dharma de Bombay ? D'autres barrabi que nous avons oublié ? Des Goules ou Loups-Garous ? Des créations des Néphandis ou de la Technocratie, peut-être ? Ou sont-ils des agents humains de l'Age de Fer, les fils mortels de Kali ? Je ne peux le dire."
"Parmi les rangs des très illuminés des mages, les nouvelles sont aussi mauvaises. Le Conseil peut avoir neufs Pimii autour de la table du Cenacle, nous jouons aux chaises musicales avec les Sièges. Je peux comprendre ceci, si la Tellurie contient assez de joueurs pour le jeu. Demain, les méfaits de Helekar seront drapés autour de nos cous, et je ne peux voir de quelle façon ils nous affecterons. La position des Euthanatos dans le Conseil est en danger, et non seulement n'ai-je pas accompli mon devoir, je n'espère plus vivre pour les voir réalisés. Mes visions s'évanouissent."
Julia trembla de fatigue, confuse. Avait-elle, se demanda t-elle, entendu le Rimpoche prédire sa propre mort ? L'ancien Indien soupira, se mit sur ses pieds d'un air fatigué, et ouvra la porte de la salle de thé. Il attendit de l'avoir en face.
"Vous allez devoir me dire le futur, petit shravaka, il n'y a pas d'autre chemin possible."