Carrefours

"Vous ont-ils appris beaucoup de Sanscrit sur Cerbère ?" demanda Takstang.

"Non, pas encore," répliqua Julia. "Je suis seulement en études depuis presque un an."

"Mais savez-vous ce qu'est le Coumatha ?" demanda Takstang. "Dites-moi ce que vous en savez."

"C'est comme un nexus dans "En terre étrangère". Le Primus la regarda avec des yeux vides et elle commença à devenir nerveuse. "C'est le moment où vous restez entre une ancienne vie et une nouvelle vie, et les décisions que vous prenez à leurs propos vous changent. Comme votre première année au collège, ou lorsque vous vous marriez ou Eveillez."

"Assez bon. Cela signifie 'Carrefours' dans la vieille langue, 'Epiphanie' en Grecque. Je ne me rappele pas comment nos frères Maya l'appelaient. La migration des Aryens était le premier Coumatha dans notre histoire, dans le coeur Indien des nôtres. Il y en a eu deux autres..."

Les guerres Himalayennes (900 AV J.C. - 300 AV J.C.)

Le Primus claqua des doigts et la lumière changea. Dans les ténèbres proches, il s'assit sur un mur rocheux froid recouvert de neige.

"Ceci est une retraite religieuse, une chose commune comme les monastères de l'ouest. Les moines, içi, sont les descendants spirituels des Rshis qui prirent soin de la Grande Roue sur les berges du Sarasvati. Ce Marabout, cette Fondation est la demeure d'une secte renoncante des Rshis qui allèrent au Nord."

Takstang devint silencieux, et Julia prit le temps d'étudier le paysage devant eux. Le mur courait sur au moins cent pieds, mais dans la lumière tamisée, les briques se mèlaient à la pierre naturelle et elle ne pouvait dire où le monastère prenait fin ou la falaise commençait. Les montagnes frottaient leur épaules avec de plus grandes de chaque côté dans une arête qui s'allongeait aussi loin qu'elle pouvait le voir. La vallée du dessous était aussi sombre qu'un puit. De petits feux brillaient à travers l'air clair, et le corps rouge du soleil languissait dans l'Ouest.

"Venez par içi."

Ils laissèrent la vallée derrière eux et grimpèrent des marches fraîches et étroites des constructions d'un autre niveau. Le Primus fit un geste aux hauteurs rocheuses interdites au-dessus d'eux, et Julia suivit son regard vers un point bas, un passage décrit faiblement sur le ciel bleu-foncé. Quelques étincelles vacillantes, une ligne de nombreuses torches, apparurent à l'horizon.

"C'est une caravane marchande venant de Chine. Ce n'est pas la première à faire le voyage depuis le Tibet et ce ne sera pas la dernière. Celle-ci est importante car elle emmène les premiers véritables Frères Akashites en Inde."

"Nous sommes à peu près mille ans avant la naissance du Christ. La Magie en Inde est très diverse et il est plus important de connaitre les différences entre sa secte et celle du voisin que de connaitre les similarités de la secte et les pratiques d'un étranger d'un pays proche. Il y a des liens familiaux, de vieilles alliances peut-être, mais pas plus. Ce monde est comme une mosaïque. Chaque morceau sait s'il est rouge, bleu ou jaune et voit la couleur des motifs alentours mais ne sait pas en quelle proportion est le tout. Vous saisissez ?"

"Oui, monsieur. Toutefois, je ne suis pas sûre de savoir pourquoi cela à de l'importance."

"Cela n'en a pas içi, pas encore. Les Akashites qui arrivent aujourd'hui trouveront que les Indiens, ancêtres du Choeur Céleste, des Verbena et du Culte de l'Extase, ont peu de choses en commun avec eux. Notre peuple, ceux qui seront les Euthanatos plusieurs siècles plus tard, sont plus familiers. Les Warring Hands, nom des Akashites en ce temps, ne sont pas aussi paisibles qu'ils le seront plus tard, mais ils comprennent bien le Grand Cycle. Ils se feront de nombreux amis parmi les sectes Euthanatos, fraternité basée sur ce terreau commun. Ce seront les scribes Akashites qui identifieront les similarités entre les devins Handura et les prêtres de la fortune Indrans, les guérisseurs Dacoits et les guerriers Supahni. Ils le feront en tant que frères pendant qu'ils voyagent lentement vers le sud de l'Inde, et comme ennemis une centaine d'années plus tard."

La raison

Julia clignota des yeux suite à une soudaine rafale de vent, et lorsqu'elle ouvrit les yeux, la scène avait encore changé.

"Nous sommes dans le bassin du Gange. C'est Kanpur. Ce que vous voyez est shruti. 'Ce qui est révélé.' Je n'étais pas là, mais j'ai partagé les mémoires de quelqu'un qui y était."

Le jeune mage chancela et se bâillona à la puanteur qui les enveloppait. L'odeur de centaines de corps non lavés, d'égouts à l'air libre, de chair pourrie et de blessures nécrotiques l'atteignit, et Takstang glissa une main derrière les bras de Julia afin de l'empêcher de tomber. Se reprenant, elle regarda autour d'elle, et la vue lui provoca pratiquement à nouveau un haut-le-coeur.

Si elle avait chuté, elle aurait trébuché sur un corps. Si elle était tombée en arrière, elle serait tombé sur un tas de ceux-là. De faibles cris de désespoir vinrent à travers des fenètres cassées autour d'eux.

"Mon dieu," murmura t-elle. "Que se passe t-il ?"

"La peste," répondit Takstang. "C'est seulement une petite peste, mais elle a atteint les plus petites castes en premier, celles qui sont responsables de la propreté des rues, d'évacuer les corps, etc. Lorsqu'ils meurent, il n'y a personne pour les déplacer et la peste se propage d'autant plus."

Takstang s'avança précautionneusement autour du corps d'une petite fille et mena la route à travers un fouillis de ruelles étroites. Ils s'arrêtèrent dans une cour.

Deux autres personnes entrèrent dans le dégagement. L'un était un garçon frêle, bronzé aux yeux bruns, habillé de manière ordonnée dans du coton, et l'autre était un vieil homme, pâle, lourdement musclé et habillé d'une robe de soie rapiècée. Le jeune hommme portait un sac de jute et tenait un couteau à sa taille.

"C'est un visiteur de la Fraternité Akashite, Smoke Tiger." dit Takstang. "Le garçon est un talenteux guérisseur Dacoit appelé Ranjit. Ranjit est venu afin de stopper l'avancée de la peste. Regardez."

Le Dacoit stoppa au premier corps allongé sur son chemin, testa la pulsation du cou, et continua. Il parla rapidement et de façon enthousiaste à son compagnon, faisant des gestes aux victimes étendues aux pieds de l'autre homme. Smoke Tiger s'arrêta et commença à chercher des signes de vie sur eux. Le jeune homme se redressa un fois de plus, et désigna un coin vide de l'allée sale. Smoke Tiger acquiesca, prit un corps mou dans chaque main et commença un tas de charogne dans le coin.

A son troisième voyage, il prit son premier corps frais.

Avec un cri d'horreur, il le laissa tomber et commença à blanchir. Le corps de la femme tomba à un angle, et sa nouvelle gorge tranchée s'ouvrit dans le soleil doré de l'après-midi. Les genoux de Smoke Tiger se flèchirent et il s'assit au sol à côté d'elle, la fixant intensément.

Le guérisseur arriva à son côté, soucieux et clairement effrayé. Il s'essuya ses mains sanglantes sur un bout de tissu de son sac et s'assis de façon à intercepter le regard de son compagnon.

Smoke Tiger sauta sur ses pieds et chancela, écrasant presque un rat mort derrière lui. Il commença à crier au garçon.

"Je pense que vous savez ce qu'il dit," dit Takstang.

Ranjit recula, interloqué.

"Maintenant, le garçon explique que la femme n'aurait pas survécu aux traitements magiques, et qu'ils doivent soigner ou bruler autant de victimes que possible cette nuit." Le jeune mage prit soigneusement son sac de la main gauche et mena Smoke Tiger au début d'un rang de victimes, ceux dont il n'avait pas dit au Frère Akashite de bouger. "Il est entrain d'expliquer que ces gens sont forts d'esprit. Ils vont déjà mieux grâce à la magie des herbes et des rites qu'il a utilisé. Ils marcheront de leur propre chef le temps qu'il arrive à la dernière victime de cette section. Maintenant, dit-il, il doit se dépêcher ou d'autre personnes pourraient peut-être passer dans l'au-delà sans espoir de retour avant qu'il ne les atteigne."

Ranjit s'éloigna du Frère Akashite et commença à se pencher sur le prochain patient, couteau et herbes déjà prêts dans la même main. Smoke Tiger jailli afin de l'éloigner de l'enfant, frappant sans ménagement Ranjit avec le dos de la main. Le guérisseur tomba au sol la tête la première sur un mur de l'autre côté de la cour. Il glissa au sol comme s'il n'avait plus d'os et ne respira plus.

Julia couvrit son visage et senti les oreillers de la salle de thé sous elle.

Takstang lui servi une tasse de thé et continua l'histoire.

"Smoke Tiger a été convoqué par les aînés de la ville afin de défendre son action, bien sûr. S'il avait été un homme humble, il aurait plaidé que le meurtre était accidentel, et la guerre aurait pu commencer plus tard, ou pas du tout. Au lieu de cela, il défendit le meurtre comme un acte de droit afin de punir le garçon corrompu et dangereux. Il décrivit le meurtre de sang froid du guérisseur et s'en servit comme excuse. Les aînés acquiéscèrent et dirent, "Oui, c'est ce pourquoi nous l'avons envoyé !". Et ainsi, le tribunal déclara Smoke Tiger coupable d'un meurtre par méconnaissance.

"Au lieu de le faire retourner au Cycle, les Dacoit décidèrent de le mettre aux fers jusqu'à ce que sa Cabale puisse être appelée. Les Dacoit expliquèrent la situation et le renvoyèrent tristement à son propre peuple pour quelque punission qu'ils jugeraient apropriée. La Fraternité Akashite étant ce quelle est, il n'y eu pas de punission. Smoke Tiger fut libéré et clama haut et fort la destruction de cette nouvelle et terrible secte, un culte du plus grand danger à cause de leurs croyances subtilements corrompues."

"Damnation !" Julia s'exclama, et rougit comme elle réalisait qu'elle venait de jurer devant le Primus. "Tout cela car il fut mit en prison ?"

"Non, non. Vous avez vu l'expression sur le visage de cet homme. Il pensait que Ranjit jouait à être dieu. Le garçon, comme guérisseur, décidait qui devait guérir et qui devait mourIr. La Fraternité Akashite pense que la Grande Roue est si sacrée, que la vie est si sacrée, qu'aucun mortel, quel que soit son niveau d'illumination, ne doit la toucher, à moins que le titulaire de cette vie déclare le don sans valeur en la négligeant dans d'autres vies. Naturellement," la voix de l'aîné pris un ton sarcastique " les Frères ont toujours été assez illuminés pour savoir quand une vie prouve être sans valeur. Ils n'offrirent pas aux Dacoit une telle connaissance, et les Dacoit ne déclarèrent pas possèder une telle illumination. Ranjit était simplement un être pratique. Si l'infection n'était pas stoppée par la médecine, la magie et le meurtre, elle aurait consumé la cité entière. La peste est sérieuse en Inde, même de nos jours."

Les batailles

L'aîné sirota sa coupe et mit ses jambes en position de lotus. "Pardonnez-moi, mais je suis fatigué. Cela ne vous dérange pas si je parle dans ma propre langue ?" Il fit une pause d'une seule seconde puis continua, "il est plus facile pour un vieil homme de traduire avec la magie qu'avec son esprit, vous comprenez. Je suis paresseux."

Julia sourit timidement. La voix du Primus, comme il reprenait, s'amplifiait, plus confiante. Elle réalisa que ses mots simples et son parlé lent lui avait donné une fausse impression de lui. Dans sa propre langue, Takstang sonnait de loin plus éduqué et intelligent. Elle se demanda, aussi, combien de mages hors des Euthanatoi avaient entendu la "vraie" voix de Indrani Takstang.

"En ce temps," le Primus continua, "les Frères Akashites vivaient dans toute l'Inde, de la Baie du Bengale et du Tamiland à la frontière la plus au nord du Tibet. Ils savaient ce que les Euthanatos ne savaient pas : qu'il existait de nombreuses Cabales et sectes de notre genre, éparpillées, mais toutefois liées par une philosophie commune. Les Akashites sont hiérarchiques et bien informés, et le leader de la Cabale de Smoke Tiger, Chan Ng, était un bon général. Les Warrings Hands sont des étudiants de la Psyché, des télépathes talentueux, et peuvent coordonner des attaques et envoyer des messages entre les camps et les pays facilement, sans laisser de traces. Chan Ng demanda à ce que beaucoup plus de mages, consors et troupes franchissent les passes du Tibet, et il érigea des camps à l'intérieur des murs des sectes natives hospitalières. Comme intermédiaires avec les marchands de Chine et de Corée, les Akashites avaient de l'influence avec les marchands et les gouvernements et quelques-uns les rejoignèrent pour les assister. Par une nuit terrible, il lança simultanément des attaques surprise sur ces Marabouts car il pensait qu'ils allaient tomber devant les forces qu'il pouvait rassembler, et qu'il pouvait laisser les restant pour plus tard."

"Les guérisseurs et sages parmi nous furent massacrés. Chaque dernier Dacoit mouru. Ce massacre débuta une guerre qui dura 300 ans. Comme notre ami Raging Eagle le montre, les conséquences de cette guerre guette toujours sous la surface, 2200 ans après."

"Pourquoi ?" le souffle de Julia se gela, ou le sembla, malgré le fait qu'elle ne vivrait pas trois millénaires. "Des guerres arrivent tout le temps. Pourquoi celle-ci continue depuis si longtemps, ou se fait-elle rappeler depuis si longtemps ?"

"Les Guerres Himalayennes ne sont pas de simples échanges de mort ou de terrain," répondit Takstang. "Elles sont un concours d'âme, un petit mais amer cycle. Chaque côté connait si bien le Grand Cycle que lorsqu'il s'en retournait, chaque guerrier se souvenait de sa vie précédente, et se souvenait de la traîtrise qui l'avait terminé. L'amertume s'est perpétuée plusieurs vie durant, et du sang neuf a été versé pour nourrir cette colère."

Julia nota le stress du présent sur le passé. "Damnation." Sa malédiction fut plus douce cette fois. Maintenant, pensa t-elle, je suis heureuse que beaucoup de gens ne croient pas à la réincarnation ! La pensée d'un tel cycle, avec la mémoire de toutes les guerres Européennes passées...

Une fois de plus, cela peut expliquer certaines choses.

"La première année," continua Takstang, "nous nous sommes défendu nous-même. Personne n'avait idée de la traitrise de la Fraternité Akashite ou de son influence en Inde. Nous étions réduits à nous battre à force de petites vendetta avec nos voisins, mais pas plus. Plus tard, nous adoptâmes les tactiques de l'ennemi, et je suis désolé de dire que les plus mauvaises atrocités de ces jours sanglants étaient notres. Il est difficile, lorsque vous mourrez dans les mains d'un ennemi sans merci, d'être gracieux avec lui dans une autre vie. Trop de nos éthiques tombèrent à cause de la guerre."

"Dans la 93ème année, les Indran se perdirent eux-mêmes, devenant corrompu à la racine, et plus tard des Naraki de fait. C'est une sombre histoire et je vous épargnerai son écoute aujourd'hui."